
Sophie Colin
Reportage | 28 juin

La Cité de l'Ameublement est une succession de façades d'immeubles industriels en briques rouges et blanches, ciment gris et vitres au verre dépoli. Une enseigne en mosaïque patinée par le temps rappelle l'époque où le faubourg Saint-Antoine regorgeait d'ateliers d'artisans. Ébénistes et menuisiers ont laissé place à des bureaux créatifs branchés. Au numéro 11, la société de marqueterie Lacroix Marrec, toujours en activité, fait perdurer l'âme du quartier. Créée en 1865, elle continue de mener son activité dans la tradition du compagnonnage et a été reprise il y a deux ans par deux jeunes marqueteurs formés dans les règles de l'art.
« C'est la quantité de pièces sur la surface qui fait la complexité de l'objet »
L'atelier est lumineux et la disposition des matériaux, méthodique. Il se prête à un inventaire rapide et instructif des machines : scies sauteuses à arbalète, plafonnières à arbalète, châssis... L'outillage numérique reste complémentaire. Il ne saurait remplacer la précision du manuel, plus adapté à des ajustements permanents d'une pièce à l'autre. C'est un jeu de matières et de couleurs, naturelles ou industrielles, d'essences de bois et de nuances. Il y a du bois de bout coupé dans la largeur du tronc. Du bois de fil coupé dans sa longueur. Du bois naturel et du bois teinté. Du merisier, du sycomore, du palissandre, de l'aracanga, du cèdre du Liban, du wenge, de l'acajou pommelé. Ils se combinent subtilement entre eux ou avec d'autres matériaux (nacre, os, pierre, écaille de tortue, galuchat...) pour composer ces placages polychromes qui viendront orner meubles et décors. En chauffant le bois dans du sable à plus de 300° C pour le brunir, on peut même créer des ombres dont on choisit l'intensité.
À la matière correspond un geste qui va la sculpter. Le geste majeur du marqueteur, c'est la découpe. C'est d'ailleurs le test que les apprentis passent pour l'évaluation de leur niveau. Les pièces sont découpées soit élément par élément, soit assemblées par découpe superposée à la manière de l'École Boule. Chaque action se cale à une cadence régulière pour se répéter, précise et soignée, selon un phrasé sonore réglé comme du papier à musique dont on devine qu'il a nécessité des années d'expérience.














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