L’utopie fait de la résistance
A Copenhague, un ultime carré de libertaires entretient la flamme soixante-huitarde.


Comme un vestige de l’époque « Peace and love » au cœur de la société de consommation. La « Communauté libre de Christiania », créée au début des années 70 par un groupe de hippies sur un ancien terrain militaire de 34 ha, surnage en plein centre de Copenhague, en lisière du quartier bobo de Christianshavn. Anciens entrepôts couverts de graffitis flamboyants, cabanes rafistolées, maisons retapées au gré des inventions architecturales de leurs occupants, l’enclave libertaire abrite un bon millier d’habitants qui persistent à vivre leur utopie. Cette société parallèle rebelle et joyeuse possède son organisation propre, ses commerces, sa station de radio, son école… Et ses règles : interdit de circuler en voiture, de prendre des photos, de courir – on vous prendrait pour un voleur…

Christiania - Cette société parallèle rebelle et joyeuse possède son organisation propre, ses commerces, sa station de radio, son école…
Le lieu demeure le théâtre d’une formidable vitalité culturelle, à coups d’expositions dans des galeries d’art et de concerts, et fleure bon un parfum presque suranné d’insubordination – personne n’ignore que le cannabis s’échange tranquillement sur Pusher Street. Mais la chimère contestataire demeure fragile et vit sous la menace permanente d’une expropriation de la part de la ville, qui lorgne une belle affaire immobilière. Pire, Christiania cède peu à peu à un embourgeoisement rampant. La visite du quartier est inscrite dans les circuits des tour opérateurs, fruit d’une promotion active de l’Office du tourisme de la capitale danoise qui « vend » l’expérience aux touristes en mal de transgression.
Devenu un des trois sites les plus visités de Copenhague, le lieu attire désormais une foule bon enfant, les jeunes s’y retrouvent dans des buvettes en plein air pour jouer au backgammon et gratter la guitare sous des parasols fatigués. Les derniers habitants s’efforcent de décourager le voyeurisme avec des panneaux « No photo » cloués un peu partout. Mais eux-mêmes cèdent aux sirènes de la société de consommation. Le logo symbole de Christiania, trois ronds jaunes sur fond rouge, se retrouve sur des collections de tee-shirts et babioles souvenirs...

